La Gazette du Pré de l’Epinoche # 2

 Septembre 2020 – # 2

Au menu de ce nouveau numéro : l’équipe salariée se présente, puis Mireille partage ses découvertes au sujet des haricots, nous informe sur les récoltes à venir et nous propose un éclairage sur les aléas climatiques et de leur impact sur notre locavorisme.


Lors du premier numéro de La Gazette, vous avez découvert les salariés présents à la ferme en juillet. Depuis, Yanus a rejoint sa Pologne natale, et l’équipe actuelle se compose de cinq personnes :

Présentation des membres de l’équipe salariée :
Olivier Rolfe – Mireille BouissouMatthieu Vayer

(cliquer sur les noms pour lire la présentation de chacun)


Une histoire de haricots !

Lorsque Jean a dit : « Aujourd’hui on cueille les haricots, prenez les sécateurs », nous sommes restés perplexes : les sécateurs ?! Pour cueillir des haricots ??!! Et quand il a ajouté : « Ce sont des Bonduelle » j’ai cru à une boutade. Or, pas du tout !

Explication. La comparaison des deux photos ci-dessous va nous mettre sur la voie. Que remarquez-vous ?

Sur un pied de haricot, habituellement, la récolte est étalée dans le temps. Le pied fleurit de façon progressive et continue, les gousses prêtes à être récoltées cohabitent avec les fleurs annonçant de futures gousses (photo du haut). La récolte s’étale ainsi sur plusieurs semaines, le pied produisant sans cesse de nouvelles gousses et de nouvelles fleurs. Ce qui fait le bonheur des jardiniers… mais pas des conserveries !

Pour Messieurs Bonduelle et Cassegrain, pas le temps de musarder tout l’été dans les rangs de haricots, il faut une cueillette rapide, efficace… et mécanisable ! On s’est donc activé dans les labos, avec à la clef une nouvelle variété dans laquelle toutes les fleurs apparaissent en même temps et tous les haricots mûrissent synchro, le bout de la gousse sur la couture du pantalon (photo du bas). Du sur mesure.

Mais, me direz-vous, pourquoi diable Jean sème-t-il des haricots « Bonduelle » ?! Il n’est pas industriel, il ne fait pas de conserves ! Certes. Mais cette variété de haricots offre au maraîcher deux avantages :

  • – Elle facilite la gestion de la succession des cultures : le haricot occupe le sol durant environ 2 mois et demi, après quoi l’emplacement accueillera les cultures suivantes. Plus la récolte des haricots s’étale dans le temps, plus l’implantation de la culture suivante est retardée. Or cette gestion du timing est importante pour avoir toujours dans nos paniers une diversité de légumes satisfaisante.
  • – Elle réduit la pénibilité de la cueillette : pas de dos cassé, plus besoin de se courber ; une fois le pied sectionné à ras du sol, le cueilleur peut être debout pour récolter les gousses. Ou confortablement assis ; c’est selon…

Ah, me direz-vous encore, mais je croyais qu’en bio on utilisait des graines « traditionnelles », « naturelles », pas des graines sorties des labos ! Il faut savoir qu’en bio comme en « conventionnel », les agriculteurs sont tenus de choisir leurs semences dans le Catalogue Officiel des Semences qui, année après année, intègre de nouvelles obtentions (issues donc des laboratoires, INRA ou autres) et retire des variétés anciennes, notamment celles que l’on appelle « paysannes » (issues le plus souvent d’un long et patient travail de sélection et de multiplication par les paysans eux-mêmes au fil du temps). Mais attention, labo et nouvelle variété ne veulent pas dire OGM. Ici, il s’agit d’hybridation (cf. Monsieur Mendel et ses petits pois). Et les hybridations, il s’en réalise dans la nature des quantités invraisemblables depuis des millénaires.

Jean explique d’ailleurs que là, il ne s’est même pas agi d’hybrider manuellement mais de « laisser faire » : cultiver ensemble de nombreuses variétés différentes de haricots et laisser les hybridations se faire « toutes seules » (vent, insectes pollinisateurs). Ensuite, on observe les résultats et on sélectionne parmi les nouvelles variétés ainsi produites celle qui s’avère conforme au but recherché (ici, floraison groupée) puis on ressème la nouvelle plante et on la multiplie.

Haricots, fèves etc

Revenons à nos haricots « Bonduelle ». Pourquoi les couper au sécateur ?? Pourquoi ne pas tout simplement les arracher ? C’est que, « Bonduelle » ou pas, le haricot est une légumineuse (famille des pois…).

Et les légumineuses ont une particularité intéressante pour le sol : leurs racines présentent des nodosités riches en azote, parfois visibles à l’œil nu (ci-contre sur une racine de haricot, les nodosités sont les petites boules rosâtres que l’on distingue au milieu de l’image).

L’intérêt est donc de laisser les racines et leurs nodosités se décomposer lentement dans le sol afin de lui restituer l’azote. Azote qui sera alors disponible et utilisable par les cultures suivantes et aidera à leur bon développement.

Même chose au printemps dernier. Si vous vous souvenez bien, nous avons eu dans nos paniers des fèves. La fève fait elle aussi partie de la famille des légumineuses. Une fois la récolte terminée, Jean n’a pas arraché des pieds ; il les a simplement broyés et incorporés aux premiers centimètres du sol. Les prochaines cultures bénéficieront ainsi d’un apport d’azote tout à fait naturel et bio … Et gratuit !

Un grand merci à Jean pour toutes ces explications. Et à la minette, qui a participé au bon déroulement de la récolte en nous soutenant moralement !

Prochaines récoltes et petites pousses

Les haricots, c’est bien beau (et bon) mais cela n’a qu’un temps ! Comme d’ailleurs tous les légumes d’été : tomates, aubergines, poivrons, courgettes, concombres ; les quantités diminuent et ils deviennent plus petits. Et la relève alors ?! Elle arrive : les fenouils ont trouvé le chemin des paniers et les betteraves commencent à faire de même.

Les choux verts et les choux rouges grandissent…

… et nous venons de planter plus de 24 000 jeunes salades (scaroles) qui devraient être prêtes dans environ 2 mois (selon la température, elles pousseront plus ou moins vite).

En plein champ, les poireaux grossissent.

C’est maintenant au fond de la serre que se préparent les futures récoltes d’automne et d’hiver. Une partie de l’espace y est consacrée à la pépinière, là où se passe la première étape de culture : le semis et la germination.

Actuellement nous trouvons dans la pépinière nos futurs légumes d’automne : blettes à cardes, mâche, salades scaroles, persil.

La plantation des salades, de la mâche et du persil sera achevée cette dernière semaine de septembre.

A semer, toujours dans la serre : de la salade et de la mâche toujours (Jean fait régulièrement des semis pour avoir une récolte qui s’étale sur plusieurs mois), du chou chinois Pak Choi, du chou rave, des épinards.

Et dans les champs…

En extérieur, la pluie ayant fait son grand retour, Jean va pouvoir semer les navets et les radis noirs.

Les carottes et les céleris semés au mois de juin avaient bien levé (ils sont sortis de terre) mais faute de pluie, ils n’ont pas pu se développer, le sol était trop dur. Nous allons voir si la pluie permet au sol de retrouver suffisamment de souplesse pour que les plants (ceux qui n’auront pas séché entre temps) se mettent à pousser.

Par ailleurs, la récolte des oignons et des pommes de terre est terminée ; nous avons sorti de terre 3 tonnes d’oignons et 8 tonnes de pommes de terre qui seront distribués tout au long de l’automne-hiver. Sur 5 000 m², cela représente un bon rendement. Mais là encore, le travail a été rendu difficile par l’état du sol dû à la sécheresse.

A propos… 

Cela me donne l’occasion de revenir sur la question du contenu des paniers et de la taille des légumes.

Pour certains Amapiens, après l’abondance de l’été vient le moment des doutes sur leur panier et les légumes qui s’y trouvent : « trop peu », « trop petits », « pas assez beaux, tâchés »… Certains s’interrogent. Voici quelques éléments de réponse et de réflexion.

En effet, le changement de saison se répercute sur le contenu des paniers. Après l’opulence du mois d’août (3 kg de tomates par panier, de belles aubergines, des salades généreuses, de beaux poivrons, haricots…), l’été arrive à sa fin. Et même si nous avons encore eu très chaud pendant quelques jours, ces dernières semaines la fraîcheur a fait son apparition, la température des nuits est descendue, y compris sous la serre. Cela a donné un gros coup de frein aux légumes d’été : leur taille diminue, leur quantité aussi. C’est l’évolution normale et elle se constate de la même façon dans les jardins potagers.

Ajoutez à cela, comme expliqué dans la Gazette du mois d’août, que la chaleur ayant accéléré la maturité des légumes, cela se fait au détriment de l’étalement des récoltes dans le temps. En conséquence, un « creux » succède à la profusion. Cela peut donner une impression de « peu », mais je pense que nous pouvons aussi nous réjouir d’avoir eu des paniers magnifiquement remplis cet été.

Quant aux légumes de plein champ, comme nous l’avons vu, les fortes chaleurs et surtout la longue sècheresse les ont empêché de se développer. Ils sont à l’arrêt depuis plus de deux mois, faute d’eau. Donc pour le moment ils vont manquer dans les paniers. Nous verrons par la suite s’ils tirent profit de la pluie ou si celle-ci arrive trop tard (si les températures chutent trop, ils ne pousseront pas non plus !).

Pour terminer par une remarque personnelle, je découvre en travaillant à la ferme, combien le maraîchage est exposé aux aléas climatiques. C’est toute la difficulté de ce travail. Le maraîcher planifie ses cultures, il les soigne, les accompagne, mais au final c’est la météo qui conditionne le résultat : s’il ne pleut pas, ça ne pousse pas, ou cela pousse mal. S’il fait trop chaud, tout mûrit en même temps et ensuite nous subissons un creux dans les productions. Ou encore, les légumes « montent » plus vite qu’il ne faudrait ; ce qui a été le cas des fenouils.

En poussant plus loin la réflexion, et sans vouloir être alarmiste, je dirais même qu’en nous approvisionnant directement auprès du producteur, nous sommes, lui et nous, aux premières loges pour constater les effets du réchauffement du climat. Des étés de plus en plus longs, chauds et secs, des hivers pluvieux mais courts, des saisons intermédiaires (printemps et automne) qui se trouvent progressivement gommées. Or, ce sont normalement le printemps et l’automne, saisons humides et douces, qui permettent aux semis de germer et de se développer. Si ces saisons se réduisent, l’été arrive brutalement et s’étend sur de longs mois secs, les pics de chaleur éprouvent tout le vivant (animaux, humains et végétaux). Les récoltes s’en ressentent ; les végétaux sont de moins en moins adaptés aux rudesses de ce (nouveau) climat. Se pose ainsi la question de l’adaptation à ce changement (quels légumes ? quelles variétés ? quel mode de culture ?…)

Donc oui, en nous approvisionnant localement nous sommes tributaires, tout comme le maraîcher, des conditions climatiques sur un territoire et une région donnés. Nous sommes surpris car habitués à faire nos courses dans des magasins alimentaires, bio ou non bio, où rien ne manque. Non que le problème n’existe pas, mais il est contourné : les magasins s’approvisionnent généralement – eux ou leurs plateformes d’achat – au MIN de Rungis, où les légumes et les fruits proviennent de toutes les régions de France, voire d’autres pays. Ainsi, si la qualité ou la quantité de carottes (par exemple) de tel producteur ne convient pas à un acheteur, il se tourne vers un autre producteur, d’une autre région où le climat peut être plus favorable. Le problème des répercussions du climat existe donc, mais dans ces conditions, il n’est pas perceptible par nous autres, consommateurs, puisque les étals des magasins sont toujours approvisionnés.

Mais si côté Amapiens, nous pouvons trouver nos pommes de terre trop petites par exemple, côté producteur, nous nous estimons chanceux : nous avons récolté une quantité de pommes de terre suffisante pour tout l’hiver. Alors que d’autres producteurs de Seine-et-Marne n’ont même pas pu récolter les leurs à cause d’un sol trop dur et desséché. Inversement, l’un des collègues de Jean, situé à 20 km de Verdelot et qui, lui, avait pu arroser ses pommes de terre, a perdu toute sa production, frappée par la gale !

Comme le dit Jean à propos de ses pommes de terre : elles ont été plantées avec cœur et elles ont poussé !

Et pour terminer cette gazette de septembre, voici deux colocataires du Pré de l’Epinoche…

… et les dernières fleurs d’été.

Crédits photos de ce numéro :
Matthieu Vayer, Jean Pacheco, Mireille Bouissou, Olivier Rolfe