La Gazette du Pré de l’Epinoche # 1

 Août 2020 – # 1

Après 7 années d’une publication mensuelle d’une Newsletter, de fin 2012 à fin 2019, l’Amap des Paniers des Bordes propose une nouvelle formule, de parution irrégulière, dédiée à la ferme « Le Pré de l’Epinoche » de Verdelot, et destinée à tous les groupes Amap de Jean Pacheco. 

Dans ce premier numéro, un entretien mené avec Mireille Bouissou, Amapienne de Champigny qui travaille, depuis juillet dernier, à temps partiel à la ferme.


De gauche à droite : Olivier – Nitaya – Jean – Yanus – Matthieu – Mireille

Il y a eu des changements importants cette année à Verdelot. Peux-tu nous les rappeler et nous dire comment cela tourne actuellement ?
Jusqu’à cette année, Jean salariait plusieurs employés venus de Pologne : un permanent (Piotr, que certains Amapiens connaissent car il assurait les livraisons depuis 3 ans) et plusieurs saisonniers. Une organisation bien rodée… qui s’est trouvée totalement bouleversée cette année. D’une part, parce que Piotr – qui travaillait à la ferme depuis 2007, en a assuré le fonctionnement lorsque Jean a eu des soucis de santé et à qui Jean pensait transmettre l’exploitation – a décidé de quitter la France et de retourner vivre en Pologne. D’autre part, parce que l’épidémie de Coronavirus, le confinement et la fermeture des frontières ont empêché les saisonniers polonais de venir travailler à Verdelot, à l‘exception de Yanus.
Jean a cherché d’autres employés sans trouver “chaussure à son pied”. Lors d’une discussion avec lui, je me suis proposée car travailler en maraîchage bio m’intéresse depuis longtemps. J’ai aussi pensé que d’autres Amapiens pouvaient être dans le même cas. D’où le petit mot envoyé aux 5 groupes Amap au mois de juin en accord avec Jean.
Au final, depuis le 1er juillet nous sommes 3 à travailler avec Jean et sa compagne Nitaya :
– Olivier, Amapien intermittent de Saint-Maur
– Matthieu, venu par Caroline et Lisa, ex-Amapiennes de Champigny maintenant installées à Chevry-Cossigny (77),
– et moi, Amapienne de Champigny.
Piotr a quitté la ferme le 30 juin, le contrat de Yanus s’est terminé à la mi-juillet et nous avons pris le relais. Matthieu et moi travaillons 3 jours par semaine, Olivier de 1 à 3 jours selon ses disponibilités.

Plantation des poireaux

Que faites-vous à la ferme ?
Début juillet, nous avons réalisé des plantations dans la serre (fenouils, ciboulette, betteraves) et en plein champs (d’abord 3000, puis 45000 poireaux !). Mais actuellement l’essentiel de notre travail se concentre sur la récolte des légumes, la préparation des livraisons, le désherbage des légumes sous la serre et dans les champs. Et pour ma part j’assure également les livraisons des 5 Amap les mercredis et jeudis, sur 8 points de livraison différents.
Nous commençons très tôt le matin, à 7 heures, car à partir de 10h30-11h, la chaleur est intenable sous la serre (mardi 11 août à 16h, il faisait 42° !). Puis nous allons dans les champs.

A propos des récoltes, elles sont abondantes en ce moment…
Oui, la chaleur fait murir très rapidement les légumes d’été : tomates, poivrons, aubergines et les paniers sont débordants ! Mais la médaille a un revers. Prenons l’exemple des tomates. Ces deux dernières semaines nous avons distribué 3kg de tomates par panier. C’est beaucoup ! La raison est simple : la chaleur les fait toutes mûrir en même temps. Ce qui fait qu’au lieu d’avoir une récolte étalée dans le temps, nous avons une récolte massive… qui sera suivie d’un creux. Les pieds de tomates continuent à produire des fleurs et de nouveaux fruits, mais leur développement est moins rapide que le mûrissement accéléré de celles prêtes à récolter. Concrètement, on observe déjà la diminution ; il y aura moins de tomates prêtes à être cueillies dans les semaines qui viennent, le temps que les nouvelles fleurs prennent la relève.
La forte chaleur a une autre conséquence. Les Amapiens ont sans doute remarqué que la partie supérieure des tomates devient verte et dure. Cela ne signifie pas que la tomate manque de maturité car le reste de la tomate est rouge et souple. Ce durcissement vert de la partie supérieure est provoqué par la chaleur.

Les tomates cerise : un vrai tunnel !

Encore un mot sur les paniers : est-ce que toutes les AMAP reçoivent les mêmes légumes ?
Oui, mais pas forcément la même semaine. Je m’explique. En début de récolte, des aubergines par exemple, la production n’est pas suffisante pour 260 paniers. Donc une Amap recevra des aubergines la semaine 1, la seconde Amap la semaine 2 etc…. jusqu’à ce que la production soit suffisante pour les 260 paniers en même temps. Mais Jean fait très attention à ce qu’au final, sur l’ensemble de la saison, toutes les Amap aient bénéficié des mêmes légumes.

Le calcul des quantités pour chaque groupe ne doit pas être une mince affaire…
En effet. Nous sommes en train d’apprendre… sous l’œil expert et vigilant de Jean. De même pour savoir quel légume sera prêt à distribuer à quel moment et en quelle quantité… Une intense gymnastique cérébrale !

Le fait de travailler à la ferme a-t-il changé le regard que tu portes sur le contenu des paniers ?
Oui, complètement ! Il y a parfois des choses qui me faisaient “râler” en tant qu’Amapienne quand je découvrais le contenu de mon panier et maintenant j’en comprends mieux la cause. Par exemple, la taille de certains légumes. Nous recevons parfois des légumes petits. Avant de travailler à Verdelot, je pensais qu’ils avaient été cueillies trop tôt, afin de remplir les paniers et de respecter le contrat de légumes diversifiés. Mais en fait, ce n’est pas ça du tout ! Je prends l’exemple récent des pommes de terre. Les premières pommes de terre nouvelles distribuées en juillet étaient de belle taille. Mais nous avons récolté récemment d’autres rangs où beaucoup d’entre elles étaient petites. Pourquoi cette différence ? Les secondes ont été plantées avec un mois de retard, la faute au confinement : Jean a reçu sa commande trop tardivement. Du coup, ces pommes de terre ont reçu de plein fouet la chaleur et la sècheresse qui ont empêché leur développement correct. La chaleur a desséché les feuilles et sans feuilles, la plante (dont les tubercules ) ne peut plus se développer. Terminé !
Il m’arrivait aussi de “râler” parce que je trouvais que nous n’avions pas assez de tel ou tel légume. Je découvre maintenant toutes les embûches qui peuvent survenir et empêcher de mener à bien une culture. Le développement d’un légume depuis le semis jusqu’à la récolte est un parcours imprévisible et semé d’obstacles, ce qui le rend finalement très aléatoire.
Jean avait par exemple planté 300 plants de courgettes rondes, qui devaient nous assurer une récolte confortable. Les pieds de courgettes étaient magnifiques, en plein champ, bien abrités contre la serre… Hélas, les pucerons ont jeté leur dévolu sur cette magnifique plantation… qu’ils ont asséchée en quelques semaines ! Certains pieds ont pu être sauvés et Jean a recommencé un semis de courgettes, des longues cette fois. Mais de ce fait, la récolte arrive dans les paniers plus tardivement et les pieds étant moins nombreux, elle sera moindre qu’initialement prévu. Or, ce problème ne s’était jamais présenté auparavant. Sans doute la douceur exceptionnelle de cette année a-t-elle été favorable au développement des pucerons.

En juillet, des pucerons ont attaqué aussi les feuilles des poivrons…

D’autres pucerons ont, eux, opté pour les plants de concombres à l’intérieur de la serre. Mais là, fort de l’expérience des courgettes, Jean a cherché et trouvé l’arme fatale (bio) : les œillets d’Inde ! Cette plante a un effet répulsif sur les pucerons. Nitaya a donc patiemment planté des pieds d’oeillets dans les rangs de concombres, ce qui a permis de chasser les pucerons et de rattraper la production.

Et à propos de la taille des légumes, je voudrais aussi préciser quelque chose qui me semble important. Pour un même légume, les tailles peuvent être très variables ; nous distribuons dans les paniers des grosses courgettes et des plus petites, de grosses et de petites aubergines, de gros et de petits poivrons etc. En fait, les légumes sont… comme nous : il y en a des gros, des petits, des grands, des larges, des fins, des tordus…. Cela peut dérouter, d’autant plus que nous sommes habitués à trouver en magasin (même bio) des légumes de taille identique. Il faut savoir que les magasins (ou les plateformes d’achats) n’achètent aux producteurs que des fruits et des légumes calibrés ; tout le reste est refusé. Ce qui cause un gigantesque gaspillage. A la ferme, il n’est pas question de calibrage ; ce qui est distribué dans les paniers est le reflet de la diversité d’aspect d’un même légume. Il appartient ensuite aux Amapiens en charge des distributions de répartir au mieux les gros et les petits légumes… ce qui n’est pas toujours aisé, j’en conviens. Mais, par exemple, un panier qui reçoit de petits poivrons peut être équilibré par une grosse courgette, ou par 2 petits poivrons au lieu d’1 de taille “normale” (en principe, c’est prévu dans le nombre).

Plantureuses aubergines… Et encore, c’était début juillet. Maintenant, c’est foisonnant tellement ces plantes sont grandes !

Quelles sont les cultures actuellement en place et celles qui arriveront bientôt dans nos paniers ?
Dans la serre, nous avons encore des tomates, des aubergines, des poivrons, des salades, et parmi les nouveautés en préparation : ciboules, fenouil, betteraves et choux rouges. Ces derniers ont été attaqués par les altises, des petits coléoptères noirs et sauteurs qui percent le feuillage des légumes. Elles sont particulièrement nombreuses cette année ; sans doute la saison chaude et sèche leur est-elle favorable. Les altises n’apprécient pas l’humidité, Jean actionne donc l’aspersion dans la serre de façon à gêner et repousser les attaques d’altises sur les choux. Enfin, Jean a fait fin juin un second semis de haricots verts ; ils sont actuellement en fleurs et les jeunes gousses commencent à se former. Rendez-vous sans doute fin septembre pour les retrouver dans les paniers.
A l’extérieur, des courgettes et pommes de terre ont commencé à être récoltées ; les poireaux grandissent, mais le manque de pluie se fait sentir. De même pour les betteraves, carottes et céleris, qui peinent à pousser dans un sol durci par la chaleur et la sècheresse.
Jean a récemment acheté une bineuse qui s’accroche au tracteur. Mécaniser le désherbage dans certaines cultures permet de gagner du temps, de désherber plus souvent, d’éviter ainsi que les herbes indésirables ne se développent trop, concurrençant les légumes (eau, lumière) et gênant leur bon développement.
Enfin, il a aussi fait une découverte importante : après avoir trouvé une source sous son champ l’année dernière, un sourcier lui a indiqué que deux autres cours d’eaux souterrains passent sous sa serre, l’un à 5 mètres et l’autre à 17 mètres de profondeur. Reste à étudier la faisabilité de l’accès à la source la moins profonde. Cela serait une aubaine pour les étés qui sont et qui s’annoncent de plus en plus chauds et secs.

En préparation dans la serre : ciboules, fenouils et betteraves.

La nouvelle bineuse

C’est précieux pour nous, Amapien·ne·s, d’avoir toutes ces informations. Merci de partager ton regard !
Oui, l’idée de cette nouvelle newsletter est de partager et de donner un éclairage sur le travail qui aboutit au contenu de nos paniers et dont nous ne connaissons que peu de choses. Partager les découvertes, les réflexions, les bons moments, les difficultés, les interrogations… Il y a toute une vie derrière nos légumes ! Pour ma part, découvrir ce travail m’enthousiasme beaucoup et me donne envie de le faire partager. Les modalités restent encore à définir ; elles sont encore en réflexion.